Le CEA est créé le 18 octobre 1945 par le Gouvernement provisoire de la République française présidé par le général de Gaulle. Les questions nucléaires, de défense ou civiles sont placées sous l’autorité du Comité de l’énergie atomique présidé par le Premier ministre.

Deux responsables se partagent la direction du CEA, le Haut-Commissaire pour les questions scientifiques et techniques et l’Administrateur général, délégué du Gouvernement pour les attributions d’ordre administratif et financier. De 1945 à 1968, le CEA joue à la fois le rôle de promoteur et d’évaluateur des initiatives lancées dans le domaine. Il détient le monopole des activités scientifiques et toutes les compétences liées à la technologie nucléaire.

Le premier programme nucléaire civil français débute véritablement lors du troisième plan quinquennal (1957-1961), avec la réalisation de réacteurs fonctionnant à l’uranium naturel, dits “graphite-gaz” ou “Uranium Naturel Graphite Gaz” (UNGG). Ces réacteurs, produisant des quantités appréciables de plutonium qui, au-delà des applications dans le domaine de la dissuasion nucléaire, conduisent à envisager la constitution d’un stock de plutonium pour développer un parc de réacteurs à neutrons rapides (RNR) surgénérateurs. En 1967, le prototype Rapsodie (24 MWth) est mis en route sur le centre de Cadarache (Bouches-du-Rhône) avant le réacteur Phénix (250 MWe) qui, à Marcoule (Gard), produira dès 1973 de l’électricité et servira à l’étude de la conception des réacteurs de « quatrième génération » avant d’être mis à l’arrêt en 2010.

La filière graphite-gaz est toutefois surpassée, en termes économiques comme en termes de sûreté, par la technologie américaine des réacteurs à eau sous pression (REP, ou PWR en anglais). Le coût du kilowatt heure produit par un réacteur REP est en effet inférieur de 20% à celui d’une centrale UNGG. Le 13 novembre 1969, lors d’un conseil interministériel restreint, le Président Georges Pompidou prend la décision d’orienter le programme nucléaire vers la filière à eau pressurisée. Cette décision conduit à une refonte complète de l’organisation de la filière électronucléaire française et concerne EDF en premier lieu.

Le 6 mars 1974, consécutivement au “choc pétrolier” de 1973, la France engage un programme fondé sur les réacteurs de “deuxième génération”, à eau légère pressurisée (REP), baptisé le plan Messmer”, du nom du Premier ministre du Président Georges Pompidou. Le plan acte l’abandon de la technologie “graphite-gaz” et la mise en œuvre d’un vaste programme de construction de centrales nucléaires à eau pressurisée entrepris par EDF (francisation et standardisation de la filière sur la base d’une licence fournie par Westinghouse avec jusqu’à 5 tranches construites par an dans les années 80). L’industrialisation de la filière électronucléaire s’accompagne de la création au sein du ministère chargé de l’industrie du Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN) et d’un institut d’expertise, l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN). Les exploitants nucléaires sont alors des organismes de statut public : EDF, CEA, Cogema.  La filière électronucléaire est placée sous la tutelle du ministère de l’industrie. Le passage au “tout nucléaire” pour la production d’électricité, confirmé par les présidents Valéry Giscard d’Estaing, puis François Mitterrand, aboutit à la construction de 58 réacteurs à eau pressurisée répartis sur 19 sites et assurant 75% de la production d’électricité en France.

Sont ainsi construits

34 réacteurs de 900 MWe : 6 réacteurs du palier CP0 (2 à Fessenheim et 4 à Bugey) et 28 réacteurs du palier CPY (4 à Tricastin, 6 à Gravelines, 4 à Dampierre, 4 à Blayais, 4 à Chinon, 4 à Cruas et 2 à Saint-Laurent).

20 réacteurs de 1 300 MWe, subdivisés en deux paliers : le palier P4 avec 8 réacteurs (4 à Paluel, 2 à Saint-Alban et 2 à Flamanville) et le palier P’4 avec 12 réacteurs (2 à Belleville sur Loire, 4 à Cattenom, 2 à Golfech, 2 à Nogent sur Seine et 2 à Penly).

4 réacteurs de 1 450 MWe du palier N4 (2 à Chooz et 2 à Civaux).

Réacteurs


Tableau 
: Parc REP français en exploitation au 31 décembre 2017 (Ref : Cycle du combustible nucléaire en France, Dossier « impact cycle 2016 », Rapport IRSN n°2018-00007)

Parc REP français en exploitation au 31 décembre 2017

 

La filière RNR n’est cependant pas négligée pour autant.

Après Phénix, une étape supplémentaire vers l’industrialisation de la filière est franchie en avril 1976 avec l’autorisation donnée par le Premier ministre Jacques Chirac de passer commande d’un réacteur surgénérateur de 1 200 MW, Superphénix. Construit sur le site de Creys-Malville (Isère) en collaboration avec la RFA et l’Italie, le réacteur est mis en service en 1985. Superphénix est mis à l’arrêt définitif par arrêté ministériel du 30 décembre 1998 et est aujourd’hui en cours de démantèlement.

Le plutonium issu du retraitement des combustibles d’EDF trouve alors une utilisation dans le combustible MOX, mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium, recyclé dans certains réacteurs REP du parc (voir la section concernant les fondements de la stratégie de traitement-recyclage).

La composition du combustible nucléaire usé, déchargé des réacteurs à eau pressurisée au terme de son irradiation, présente les caractéristiques suivantes :

  • Environ 95% d’uranium résiduel, renfermant environ 1 % d’235U
  • 4% de « produits de fission » issus de la fission par les neutrons des isotopes de l’uranium (235U et 238U) et du plutonium (239Pu essentiellement)
  • 1% de plutonium (dont la plupart des isotopes sont fissiles)
  • 0,1% d’ «actinides mineurs » (Np, Am , Cm).

La stratégie de traitement-recyclage des combustibles usés (cf. rapport HCTISN présentant le cycle du combustible français), mise en place par la France il y a plus de 30 ans, constitue une première étape majeure dans la gestion durable des matières et des déchets nucléaires. Il s’agit de traiter les assemblages de combustibles usés pour récupérer les matières valorisables (uranium et plutonium), tandis que les produits de fission et les actinides mineurs constituent les déchets ultimes.

 

Vue schématique du cycle du combustible REP français

Figure : Vue schématique du cycle du combustible REP français (Réf : Cycle du combustible nucléaire en France, Dossier « impact cycle 2016 », Rapport IRSN n°2018-00007)

Ainsi :

  • Le plutonium récupéré par retraitement des combustibles usés est recyclé en combustible MOX, aujourd’hui utilisable par 24 des 58 réacteurs du parc actuel ;
  • L’uranium récupéré peut être ré-enrichi et rechargé en réacteur (actuellement, 4 réacteurs du parc le permettent) ;
  • Les déchets ultimes (produits de fission et actinides mineurs, représentant 4 à 5% du contenu des combustibles usés) sont aujourd’hui confinés dans une matrice de verre, coulés dans des conteneurs en acier et entreposés dans des puits en attendant d’être stockés en couche géologique profonde.

Cette stratégie permet une économie de ressources, la maîtrise de l’inventaire en plutonium et la diminution de la quantité de déchets produits ne contenant pas de quantités significatives de plutonium. Elle participe ainsi en premier lieu aux objectifs définis par la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, mais présente aussi certaines limites, pour les raisons évoquées plus loin, liées à la physique des neutrons lents, qui ne permet pas la mise en œuvre industrielle d’un recyclage récurrent (ou multi-recyclage) du plutonium et de l’uranium dans les REP actuels. Le mono-recyclage mis en œuvre dans le parc actuel permet de recycler annuellement environ 10 tonnes de plutonium dans les combustibles MOX, lesquels sont, après déchargement, entreposés dans l’attente d’une valorisation ultérieure, en principe dans des RNR.

Le livrable produit par le CEA en 2015 à la demande du Gouvernement montre que les RNR de conception avancée présentent plusieurs atouts déterminants pour la gestion des matières nucléaires en complémentarité ou non des REP équipant le parc français :

  • Les RNR peuvent utiliser sans limitation le plutonium produit par les REP permettant par là une gestion plus rationnelle de cette matière
  • Les RNR multiplient par un facteur voisin de 100 l’énergie que l’on peut extraire d’une masse donnée d’uranium naturel. L’ordre de grandeur des réserves énergétiques mondiales en éléments fissiles s’en trouverait alors profondément modifié. Il s’agit d’un atout considérable pour la production d’énergie à long terme
  • Les RNR ont la capacité, une fois constitué le stock de plutonium nécessaire à leur démarrage, de se passer totalement d’uranium naturel. Ils n’ont besoin que d’un appoint d’uranium 238, par exemple présent dans l’uranium appauvri issu des opérations d’enrichissement.

Les RNR nécessitent toutefois des installations du cycle pouvant mettre en œuvre de la matière très riche en plutonium de composition isotopique variée et des procédés innovants de séparation poussée ou de fabrication de combustible MOX. Le retraitement du combustible RNR est plus complexe que celui du combustible REP.

La loi de 1991 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a permis de jeter les bases du cadre institutionnel concernant la gestion des déchets radioactifs en confiant à l’ANDRA la mission de trouver, mettre en œuvre et garantir des solutions sûres pour protéger les générations présentes et futures des risques que représentent les déchets radioactifs. L’ANDRA a d’abord été créée en tant que direction au sein du Commissariat à l’énergie atomique et est devenue, par la vertu de la loi, agence publique indépendante en 1991 placée sous la tutelle des Ministères de l’énergie, de l’environnement et de la recherche.

La loi de 1991 a également organisé les recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue autour de 3 axes complémentaires :

  • La recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets (axe 1 sous pilotage du CEA)
  • L’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains (axe 2 sous pilotage de l’ANDRA)
  • L’étude de procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface de ces déchets (axe 3 sous pilotage de l’ANDRA).

Le bilan des actions de R&D lancées depuis 1991 sur les trois axes de la loi a fait l’objet d’un débat public en 2005 conduit par la CNDP.

Un des livrables important pour la gestion des déchets de haute activité (HA) et  de moyenne activité à vie longue (MAVL) était consacré à la caractérisation de la géologie de Bure (dossier 2005). Une première version a été remise par l’ANDRA le 30 juin 2005 aux ministres chargés de la recherche et de l’industrie, suivie d’une version actualisée remise au Gouvernement le 20 décembre 2005.

Le dossier 2005 est le résultat de quinze ans de recherche et comprend deux volets :

  • Un volet concernant l’argile, fondé notamment sur les travaux conduits sur le site du Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne et dans les laboratoires étrangers
  • Un volet concernant l’intérêt des roches granitiques qui s’appuie sur les connaissances bibliographiques disponibles sur les granites français et sur les travaux menés par l’ANDRA en partenariat de recherche avec des laboratoires étrangers.

L’ensemble des résultats acquis grâce à la loi de 1991 a permis de jeter les bases de trois nouvelles lois venant consolider le cadre institutionnel et réglementaire relatif à la gestion durable des matières et déchets :

Loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs qui a mis en place le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), et renouvelé la mission confiée à la CNE1 (création de la CNE2).

 

Cette loi reprend les 3 axes de la loi de 1991, mais restreint l’axe 2 à l’option du stockage réversible en couche géologique profonde et préconise que les études et recherches correspondantes soient conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage de sorte que, au vu des résultats des études conduites, la demande de son autorisation prévue à l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement puisse être instruite dans un calendrier très volontariste (qui a été revu en 2016 dans le cadre de la loi sur la réversibilité). Il s’agit du projet de stockage Cigéo.

Il est prévu que Cigéo soit implanté dans l’Est de la France, à la limite de la Meuse et la Haute-Marne. Ce projet prévoit des installations de surface, pour accueillir et préparer les colis de déchets et pour réaliser les travaux de creusement et de construction des ouvrages souterrains. Les déchets seraient stockés dans des installations souterraines, situées à environ 500 mètres de profondeur, dans une couche de roche argileuse imperméable choisie pour ses propriétés de confinement sur de très longues échelles de temps. Le centre est prévu pour être exploité pendant au moins 100 ans et conçu pour assurer la réversibilité.

Entré en phase de conception industrielle en 2011, le projet Cigéo pourrait accueillir les premiers déchets en 2030 après une série de jalons prévus par la loi (cf. loi de 2016 mentionnée plus bas).

Par ailleurs, la loi de 2006, complétée d’un décret et d’un arrêté, instaure l’obligation de financement des charges nucléaires de long terme par les exploitants d’installations nucléaires de base s’appuyant sur le principe pollueur-payeur tel que prévu par le code de l’environnement (L. 110-1 II 3°) qui a été décliné pour les déchets radioactifs (L. 542-1 al 1). Ce financement fait l’objet d’un contrôle effectué par une autorité administrative (représentée par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie), dotée par la loi de pouvoirs de prescription et de sanctions. Des rapports triennaux et notes d’actualisation annuelle sont produits décrivant les principales hypothèses retenues, les montants de provisions, la composition et la gestion des actifs de couverture. Il est également prévu un avis systématique de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) sur ces rapports pour les sujets de son domaine de compétence et la possibilité de recourir sur les hypothèses économiques et financières à l’avis de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), l’organe de supervision français de la banque et de l’assurance. Enfin, la loi permet de mandater des audits externes sur les coûts de démantèlement, les actifs financiers et les hypothèses économiques, à la charge des exploitants.

Loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi TSN) à l’origine de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui est une autorité administrative indépendante. Cette loi renforce les obligations d’information des exploitants et donne un statut et des moyens aux commissions locales d’information (CLI).

L’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés aux activités nucléaires. Elle réglemente et autorise l’exploitation des installations concernées, les inspecte pour vérifier qu’elles respectent les règles et les prescriptions de sûreté, avec le pouvoir de sanctionner et d’arrêter à tout moment l’installation en cas de manquement. Par ailleurs, l’ASN s’appuie sur l’expertise en matière de sûreté de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN).

L’ASN informe également le public sur son activité et sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, supervise les opérations de mise en sûreté en cas de situation d’urgence et assiste le Gouvernement dans la gestion de crise. Enfin, elle contribue à l’international à l’élaboration et à la diffusion des meilleurs principes et pratiques en matière de sûreté nucléaire et co-pilote avec la DGEC les travaux de mise à jour du PNGMDR.

Le PNGMDR s’appuie sur les données de l’Inventaire national pour dresser le bilan des modes de gestion existants, recenser les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage et déterminer les objectifs à atteindre pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l’objet d’un mode de gestion définitif, ainsi que sur les travaux d’un groupe de travail pluraliste, co-présidé par l’ASN et la DGEC, constitué de représentants de l’administration, des autorités de sûreté, des gestionnaires de déchets radioactifs, des producteurs de déchets, et de représentants d’associations de protection de l’environnement.

Ce plan est mis à jour tous les 3 ans et comporte une annexe consacrée aux priorités identifiées en matière de R&D.

L’ANDRA contribue à promouvoir la R&D sur la gestion des déchets radioactifs notamment grâce à un appel à projets porté par l’ANR lancé en 2010 et dont le cahier des charges a été préparé par l’ANDRA. Cet appel, doté de 25 M€, était financé par l’action 3 du programme 329 (investissements d’avenir) relative aux recherches en matière de traitement et conditionnement de déchets radioactifs.

Suite à un débat public sur le PNGMDR 2016-2018 dont les conclusions ont été rendues en 2019, il est envisagé de porter ce plan à 5 ans afin qu’il soit harmonisé avec le calendrier de révision de la Planification Pluriannuelle de l’Energie (PPE) dont les orientations stratégiques ont un impact significatif sur la gestion des matières et déchets que la CNE s’attache à évaluer (cf. Rapport 13 de la CNE).

Notons en effet que les nouvelles orientations stratégiques proposées en 2019 par le Gouvernement dans le cadre de la PPE, et visant à mettre en œuvre la loi TECV (de transition écologique pour une croissance verte), préconisent :

  • Le report de la réalisation d’un prototype de la filière RNR de 4ème génération à l’horizon de la deuxième moitié du 21ème siècle au motif qu’il n’y a pas de tension sur le marché de l’uranium naturel
  • L’étude des technologies à développer pour permettre le multi-recyclage du plutonium dans les réacteurs à eau sous pression (REP) afin de pérenniser l’option du cycle fermé et stabiliser les stocks de plutonium ainsi que les stocks de combustibles usés
  • L’étude de SMRs (Small Modular Reactor) principalement destinés à l’export, dont la production électrique, jugée plus flexible que des réacteurs de grande puissance, permettrait une meilleure insertion dans un système électrique marqué par l’intermittence des énergies renouvelables
  • L’étude de réacteurs à sels fondus et la participation au projet de réacteur nucléaire piloté par accélérateur de protons (MIRRHA) susceptibles, comme les RNR, de permettre la transmutation des actinides mineurs
  • Le développement d’une filière nucléaire du démantèlement (plusieurs réacteurs devant être fermés pour atteindre l’objectif de 50 % de nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2035).

 

Loi du 25 juillet 2016 qui définit la notion de réversibilité pour le stockage géologique et précise les modalités et les grands jalons de la création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue (projet Cigéo). Cette loi intègre le fruit du débat public qui s’est tenu en 2013 sur le projet Cigéo. Elle prévoit que l‘exploitation de l’installation débute par une phase industrielle pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ.

Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase. La phase industrielle pilote comprend des essais de récupération de colis de déchets.

Afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie de cette installation de stockage en couche géologique profonde, l’ANDRA élabore et met à jour, tous les cinq ans, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur d’exploitation.

Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de l’ANDRA, d’un avis de la commission nationale d’évaluation, d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et du recueil de l’avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret. Ces avis seront transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui les évaluera et proposera des recommandations aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Sur la base de ces éléments, le Gouvernement présentera un projet de loi adaptant les conditions d’exercice de la réversibilité du stockage.

Deux entités du ministère en charge de l’écologie jouent un rôle clef dans la définition des politiques publiques relatives à la filière nucléaire et concernant le démantèlement des INB (Installations Nucléaires de Base), la gestion des déchets et l’élaboration du cadre réglementaire en matière de sûreté et de radioprotection :

  • La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a en charge l’élaboration de la politique et la mise en œuvre des décisions du Gouvernement relatives au secteur nucléaire civil
  • La Direction générale de la prévention des risques (DGPR) dont la section « Mission sûreté nucléaire et radioprotection » (MSNR) élabore, coordonne et met en œuvre les missions du Gouvernement concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection civile, à l’exclusion des missions confiées à l’ASN. Cette mission assure aussi, en lien avec l’ASN, le suivi des questions relatives à la gestion des anciennes mines d’uranium et des sites et sols pollués par des substances radioactives. La DGPR élabore également la politique en matière de gestion des déchets conventionnels, y compris ceux dits à radioactivité naturelle élevée (NORM).

L’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) assure quant à elle le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense. Comme l’ASN, elle s’appuie sur l’expertise de l’IRSN.

Sur les questions scientifiques de manière générale, et notamment celles relatives aux programmes nucléaires, le Parlement s’est doté d’un organisme d’évaluation propre : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Cet organisme auditionne les acteurs de la gestion des matières et des déchets radioactifs, informe le Parlement, et publie des rapports d’évaluation et des recommandations sur son site web.

Le Parlement s’appuie sur la Commission nationale d’évaluation des études et recherches sur la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE) qui est chargée d’évaluer annuellement l’état d’avancement et la qualité des recherches sur la gestion des matières et des déchets radioactifs. Cette commission scientifique indépendante a été créée par la loi du 30 décembre 1991, et confirmée par la loi de juin 2006 et par l’article L. 542-3 du Code de l’environnement. La Commission publie annuellement son rapport qui est transmis au Parlement et rendu public sur son site web après validation par l’OPECST.

Notons enfin que le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) est une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et à l’impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire. Créé par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi TSN), ses missions sont aujourd’hui précisées à l’article L. 125-34 du Code de l’environnement. Les comptes rendus et recommandations du HCTISN sont publics et consultables sur son site web.

En 2005, la loi de programme fixant les objectifs de la politique énergétique française donne le feu vert au lancement d’un nouveau type de réacteur EPR (European Pressurised Reactor), développé par Areva. L’EPR doit permettre de produire une énergie 10 % moins chère au kWh que les réacteurs REP en place grâce à une puissance accrue (1 600 MW), une diminution de 15 % de l’uranium consommé et une durée de vie de 60 ans. Les améliorations apportées à ce réacteur en termes de sûreté sont à la base de son coût d’investissement supérieur.

La construction d’un premier réacteur EPR en France commence en décembre 2007 à Flamanville (Manche).

La conception d’un prototype de réacteur de 4ème génération pour une mise en service en 2020 est entérinée par la loi de programme du 28 juin 2006. Les études se focalisent sur un projet baptisé ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) prototype de réacteur à neutrons rapides (RNR) de 600 MW refroidi au sodium. La France vise ainsi à l’utilisation de ses matières premières énergétiques en inscrivant le nucléaire dans une perspective de développement à long terme.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2010, présenté le 20 janvier 2010 en conseil des ministres, alloue 1 milliard d’euros à la recherche pour le nucléaire civil. Sur cette somme, 650 millions d’euros (ramenés par la suite à 625 millions d’euros après l’accident de Fukushima survenu en 2011 afin de contribuer à financer de nouveaux programmes de recherche dans le domaine de la sûreté grâce à un appel à projets porté par l’ANR) sont destinés, sur la période 2010-2017, au développement d’ASTRID, que la France s’est engagée à mettre en service à l’horizon 2020. Par ailleurs, la France travaille sur la filière des RNR refroidis au gaz dans le cadre d’une collaboration européenne qui pourrait déboucher sur la construction, dans un autre pays que la France, d’un réacteur expérimental de petite taille (projet ALLEGRO). Le bilan des recherches effectuées par le CEA et ses partenaires a conduit à un livrable majeur en 2012 destiné au Gouvernement. Il précise les options technologiques permettant d’améliorer la sûreté et la compétitivité économique de la filière RNR (dans un contexte post-Fukushima), tandis qu’un livrable produit en 2015 identifie les enjeux à adresser en matière de cycle du combustible et de multi-recyclage du plutonium.

L’accident survenu le 26 avril 1986 dans la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, a conduit à évaluer la sûreté des réacteurs nucléaires des pays de l’Europe de l’Est et à relancer les études sur les accidents de réactivité et sur les accidents graves. La culture de sûreté a ainsi renforcé l’ importance de son rôle.

Dès 1987, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) travaille, au sein du Parlement, sur les questions nucléaires et en particulier sur la sûreté et la sécurité de l’ensemble des installations de la filière. Les rapporteurs de l’Office, en particulier les députés Robert Galley, Christian Bataille, Claude Birraux, Jean-Yves Le Déaut, les sénateurs Henri Revol, Bruno Sido, contrôlent et impulsent l’action des pouvoirs publics, au nom de leurs collègues parlementaires.

L’OPECST acquiert ainsi une compétence reconnue grâce à ses travaux sur la sûreté nucléaire. En 1998, le député Jean-Yves Le Déaut, membre de l’OPECST, est chargé d’une mission par le Premier ministre. Son rapport conduit au rapprochement des missions relatives à la sûreté (IPSN) et à la radioprotection (Office de protection contre les rayonnements ionisants – OPRI) au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) créé en février 2002. Cette réorganisation se poursuit par l’adoption au Parlement de la loi du 13 juin 2006 sur la transparence et la sécurité nucléaire.

Celle-ci crée une autorité administrative indépendante en charge de la sûreté nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui renforce les obligations d’information des exploitants et donne un statut et des moyens aux commissions locales d’information (CLI).

Ainsi, l’indépendance des acteurs institutionnels de la sûreté associée à la recherche d’une meilleure transparence de l’information dans le domaine nucléaire devient prioritaire.

Après l’accident de Fukushima du 11 mars 2011, la chancelière Angela Merkel annonce le 14 avril la décision de l’Allemagne d’abandonner la production d’électricité d’origine nucléaire “le plus vite possible”, et, le 19 avril, en Italie, le Gouvernement de Silvio Berlusconi décide de déposer un amendement abrogeant le programme nucléaire lancé en 2009. Le 20 avril, aux Etats-Unis, l’électricien NRG annule un projet de construction de deux réacteurs nucléaires au Texas.

En France, dans son rapport rendu public le 3 janvier 2012, et après avoir lancé des évaluations complémentaires de sûreté (ou stress tests), l’ASN estime que le niveau de sûreté des centrales est satisfaisant. Toutefois, elle considère que la poursuite de leur exploitation au-delà des 40 années prévues initialement pour leur fonctionnement, nécessite d’augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposent déjà, leur “robustesse” face à des situations extrêmes.

Il s’agit notamment de mettre en place un « noyau dur » préservant les fonctions vitales pour la sûreté d’un réacteur en cas de situation extrême. Celle-ci pouvant être une catastrophe naturelle (tremblement de terre, inondation, tempête ou cumul de ces événements), ou une perte d’alimentation en eau de refroidissement ou en électricité (que cette perte soit due à un aléa naturel, à un attentat ou au crash d’un avion).

Un appel à projets porté par l’ANR (Agence nationale pour la Recherche) doté de 50 millions d’euros, dont le cahier des charges a été élaboré par l’IRSN, est lancé en 2012 afin de stimuler les recherches en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection en vue de :

  • Tirer des enseignements des conditions ayant conduit à des accidents nucléaires majeurs, notamment celui survenu à Fukushima le 11 mars 2011, et de tenir compte des premières conclusions des évaluations complémentaires de sûreté mises en place par l’ASN
  • Etudier les modalités de gestion de l’ensemble des accidents nucléaires majeurs survenus à ce jour par les exploitants et les autorités publiques
  • Etudier l’impact de ces accidents en matière de rejets de matières radioactives, leur impact sur la santé et l’environnement et les conditions de la reconquête des territoires contaminés
  • L’application en France de ces enseignements aux installations nucléaires actuelles et futures de conception nationale, afin d’en augmenter la sûreté de fonctionnement, la capacité de résistance et l’efficacité de leurs mécanismes d’urgence en cas d’évènements extrêmes.

Plus récemment, L’Assemblée nationale a lancé (en février 2018) une Commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.

Cette Commission a porté son attention sur les incursions répétées et actes de malveillance de militants opposés à l’énergie nucléaire ainsi que les incidents survenus au sein des centrales nucléaires françaises au cours de ces dernières années bien qu’ils n’aient jamais dépassé le niveau 2 sur l’échelle INES (de l’anglais International Nuclear Event Scale) graduée de 0 à 7.

Cette commission a proposé 33 préconisations dont certaines concernent la gestion des déchets et des combustibles, ou encore le contrôle des opérations de démantèlement.